illustration de Sheikh Zayed, fondateur des émirats arabes unis
Portraits

Zoom sur Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, le bédouin visionnaire

Si une personnalité est unanimement respectée dans le monde arabe, c’est bien Sheikh Zayed. De nombreux édifices portent fièrement son nom aux émirats, dont la célèbre avenue de Dubaï. Qui était ce personnage, et pourquoi est — il est intimement lié à l’histoire des Émirats arabes unis ? Comment a-t-il réussi à mener ce pays vers la prospérité ? Dans cet article, nous plongerons dans la vie, la vision et l’héritage de ce personnage fascinant.

De Bédouin à gouverneur : une incroyable ascension due à son insatiable soif de connaissances

Pour commencer, il est important de replacer son parcours dans un contexte géographique et historique. Le territoire, niché entre le golfe persique, le désert et les montagnes, partage sa frontière avec Oman et l’Arabie saoudite. Abu Dhabi couvre plus de 80 % de la région, incluant Al Liwa au sud et Al Aïn à l’est. Auparavant, les tribus locales, souvent en conflit, vivaient de l’agriculture, de la pêche, et plus particulièrement du commerce de l’industrie perlière. Dès le XVIIIe siècle, les grandes familles prennent le contrôle des différentes provinces.

carte des émirats arabes unis

L’éducation du leader : les fondations de sa réussite

Il serait né en 1918 à Al Aïn, située à une semaine de trajet à dos de chameau de la capitale Abu Dhabi. Benjamin d’une fratrie de quatre fils, il est issu d’une tribu venant de la dynastie des « Bani Yas ». Son père, le Sheikh Sultan, qui était à la tête du territoire de 1922 à 1926, est assassiné par son frère alors que Zayed n’a que huit ans.

De 7 à 9 ans, le jeune garçon reçoit une instruction relativement basique fondée sur les valeurs coraniques. Sa curiosité et son caractère volontaire se manifestent assez vite. On raconte que le Sheikh était analphabète pendant la moitié de sa vie. Pourtant, il a réussi à s’éduquer seul grâce à sa soif de connaissances du monde environnant.

Découverte de la vie nomade bédouine : une révélation pour le jeune homme

C’est donc tout naturellement qu’il décide de partir avec ceux qu’il appellera plus tard « ses frères bédouins ». Pendant une dizaine d’années, il sillonnera mer et désert, ce qui lui permettra d’explorer la biodiversité régionale. Dans ces milieux semi-arides aux conditions extrêmes, survivre est déjà une prouesse en soi. Aussi ardue soit-elle, cette vie de nomade lui a permis découvrir avec les us et coutumes du peuple bédouin :

  • La chasse au faucon, une activité qui est rapidement devenue addictive ;
  • Les chants traditionnels bédouins, créant un lien social et stimulant hommes et dromadaires lors de longues marches ;
  • Les courses et longues marches à dos de dromadaire, le seul moyen de transport sur la terre ferme ;
  • L’hospitalité des chefs tribaux, qui mettaient à disposition leurs majlis, afin de permettre aux voyageurs de discuter et de se reposer.

groupe de bédouins, dont sheikh Zayed, avec des faucons

De cette aventure, il en sortira grandi, et développera des qualités humaines indéniables, bénéfiques pour la suite de sa carrière. Désormais, il comprend et partage la souffrance de ceux qu’il appelle affectueusement « ses frères bédouins ».

En 1928, Sheikh Shakhbut, l’ainé de la tribu, monte sur le trône. Dès 1930, les représentants d’Abu Dhabi, Sharjah et Dubaï signent des concessions approuvant l’exploitation du pétrole. Mais les recherches ne commenceront pas avant les années 50, retardées par la Seconde Guerre mondiale. Connaissant parfaitement le territoire, Zayed a la responsabilité de mener les géologues à la recherche de gisements pétrolifères.

Le Gouverneur d’Al Aïn : maître d’œuvre du développement urbain

En 1946, Shakhbut nomme son frère gouverneur d’Al Aïn, où il gère efficacement un petit ensemble d’oasis, et ce, malgré le manque de moyens financiers. Investi du développement urbain, il a créé une administration et construit la première école moderne de la province.

Le gouverneur rétabli également l’ancien marché de la ville, faisant d’Al Aïn le centre marchand de la province.

Autre fait remarquable, Zayed fait preuve d’une grande générosité : il utilise l’argent de son héritage pour construire un nouveau « falaj » (canal d’irrigation datant de l’âge du fer). Il révise aussi les droits de propriété sur l’eau, renonçant aux droits de sa propre famille pour assurer une distribution plus équitable.

La production agricole s’en fait ressentir immédiatement. Grâce à son plan de reboisement ingénieux, Al Aïn deviendra vite l’une des villes les plus verdoyantes de la région. Le mandat du gouverneur est un premier succès notable, véritable atout pour la suite de sa carrière.

Le protectorat anglais et l’arrivée de l’or noir, précieux alliés de Zayed

Du XVIIe au XIXe siècle, de nombreux pillards attaquaient les navires marchands étrangers. C’est pour cette raison que les rives du golfe persique étaient appelées « Côte des pirates ». Les Anglais, ayant négocié des protectorats dans le golfe, finiront par s’imposer en protégeant la route maritime vers l’Inde britannique.

Aparté sur les États de la Trêve

En 1835, les chefs bédouins du littoral s’engagent à stopper définitivement les assauts et signent en, 1853, « Les États de la Trêve » avec le Royaume-Uni. Avec ce traité, ils passent sous protectorat anglais, au même titre qu’Oman, et délèguent leur politique étrangère.

L’or noir, une carte maitresse inespérée

En 1951, lors de sa visite en Europe avec Shakhbut, Zayed montre un vif intérêt pour le développement économique occidental. Il est plus qu’évident pour lui que son pays a besoin d’être modernisé, et le destin va jouer en sa faveur :

  • En 1958, découverte incroyable de gisements pétroliers à 60 km de la capitale. L’économie émanant de l’industrie perlière ayant chuté dans les années 30, c’est une aubaine pour un pays en déclin !
  • En 1962, début de l’extraction de l’huile minérale. Le gouverneur souhaite utiliser cet apport inespéré pour améliorer les infrastructures de la région. Mais il se heurte régulièrement à son frère. En effet, ce dernier est avare et réfractaire à tout changement : il impose même d’être payé en pièces d’or !
  • Le 6 août 1966, avec le soutien des Britanniques, la famille Al Nahyan pousse Shakhbut à démissionner, et place Zayed sur le trône. C’est un coup d’État pacifique, les fils de Sultan ayant promis à leur mère de ne pas s’entretuer.

Après avoir démontré son altruisme en tant que gouverneur, le leader se montre plus généreux que jamais en partageant les revenus pétroliers avec son peuple. Il est dit que la file d’attente devant le palais son palais était interminable, et que personne n’en est reparti les mains vides !

C’est plus qu’il n’en faut pour le nouveau dirigeant, plus déterminé que jamais à mener à bien sa mission. Il commence immédiatement la construction d’infrastructures importantes :

  • Routes ;
  • Services médicaux et hospitaliers accessibles à tous ;
  • Écoles et universités gratuites ;
  • Aéroport et port maritime, ainsi qu’un pont reliant Abu Dhabi à la terre ferme.

Malgré une rapide ascension au pouvoir, le leader est toujours resté fidèle aux valeurs bédouines qu’il incarnait. Il a fait preuve de loyauté en maintenant des liens étroits avec ses proches, issus de la communauté indienne, persane et pakistanaise.

La fondation des Émirats arabes unis : la plus belle réalisation du visionnaire

En 1968, les Britanniques décident subitement de se retirer du golfe arabo-persique : c’est la fin de tout accord avec les États de la Trêve. Fragiles et divisés, il leur est dorénavant difficile de se protéger en cas d’attaques venant d’Oman, d’Iran et d’Arabie Saoudite. La situation est d’autant plus préoccupante pour Abu Dhabi, en raison de ses réserves de pétrole.

Le rêve d’union du bédouin

Pour pallier cette situation délicate, Zayed imagine un projet ambitieux : rassembler les États de la Trêve pour fonder une alliance solide, capable de se défendre. Il sait parfaitement que la force réside dans l’union.

Pour ce faire, il va chercher de l’aide auprès de son plus grand adversaire, le Sheikh Rashid, dirigeant de Dubaï. Son caractère réfléchi et conciliant va être déterminant pour les négociations qu’il entend mener. Après de longues et tumultueuses conversations, ils décident de fédérer leurs émirats respectifs. Dans la mesure où ils ont des caractères diamétralement opposés, cette alliance est inespérée pour cet homme ambitieux. Contre toute attente, c’est le début d’une grande amitié entre les deux leaders, qui vont se révéler complémentaires.

Mais Zayed ne s’arrête pas en si bon chemin. S’armant de patience, il entreprend d’interminables voyages à dos de dromadaire pour discuter avec ses homologues. Mais les affrontements des différentes tribus sur fond de crise politique rendront la tâche peu aisée. Finalement, grâce à la médiation du Koweït, les représentants passent des accords. Au bout de deux ans, il arrive à les convaincre de s’unir autour d’une fédération autonome.

L’émergence d’une nouvelle Nation, la plus belle réalisation du leader

Le 2 décembre 1971, six états contribuent à la fondation des Émirats arabes unis : Abou Dhabi, Ajman, Dubaï, Sharjah, Fujaïrah et Umm al-Quwain. Quelques mois plus tard, Ras-al-Khaimah rejoint à son tour la fédération. Quant au Qatar et au Bahreïn, qui ne voient plus l’intérêt de se joindre à cette union, ils choisissent la voie de l’indépendance.

Pour ce bédouin aux rêves de grandeur, c’est une immense victoire personnelle. Sheik Zayed est élu président de la fédération, son fils ainé, Khalifa, Premier ministre, et Sheikh Rashid devient vice-président. Abu Dhabi et Dubaï sont désormais étroitement liées.

Le pays forme à présent une monarchie constitutionnelle, sans parlements ni parti politique. Cependant, chaque province garde une certaine autonomie.

La diversification économique menée par le « sage des Arabes »

Une nation a vu le jour, mais il faut la façonner et la construire. Il forme rapidement un gouvernement et plusieurs départements, suivant les conseils avisés de conseillers étrangers :

  • Services d’eau et d’électricité ;
  • Gestion financière ;
  • Forces de police ;
  • Affaires intérieures et extérieures ;
  • Soins de santé ;
  • Éducation et système judiciaire.

Le président instaure un État providence, où il attribue des logements gratuits. Il propose également l’éducation gratuite pour tous les enfants et recrute dans le secteur public.

Conscient que les ressources pétrolières pourraient un jour s’épuiser, le souverain est prévoyant. Ainsi, il compte et épargne minutieusement chaque dépense.

Bien qu’Abu Dhabi soit la principale source de revenus, Dubaï est devenue un centre commercial incontournable, s’engageant pleinement dans cette démarche de diversification. Le tourisme, la finance, l’immobilier et les technologies y constituent encore aujourd’hui des activités majeures.

De ce fait, grâce à la diversification économique des années 90’s, il n’y a pas eu d’impact majeur sur l’économie locale lors de la crise pétrolière.

La disparition de Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan : un héritage inestimable pour le pays

Convaincu que la grandeur d’une nation réside dans son patrimoine et sa culture, il rénova des infrastructures et créa d’importantes réserves naturelles.

« La construction de l’humanité est une tache complète et ardue. Elle représente cependant la véritable richesse. On ne la trouve pas dans la richesse matérielle. Elle est faite d’hommes, d’enfants, et de générations à venir. C’est là que réside le véritable trésor. »

L’ardent défenseur des écosystèmes

portrait de sheikh-zayed, un faucon sur le bras

Durant ses expéditions, le leader a développé un grand respect envers les dromadaires, considérés comme un cadeau de Dieu par les bédouins. Mais sa véritable passion, c’était la chasse aux faucons, une tradition qui perdure depuis la nuit des temps. Il s’est donc engagé pleinement dans la préservation de ces rapaces avec :

  • Le programme de réintroduction des faucons dans leur milieu naturel ;
  • La création de l‘Abu Dhabi Falcon Hospital, le plus grand hôpital au monde dédié aux faucons.

De plus, le président a joué un rôle prépondérant dans la création de nombreux parcs, jardins et espaces naturels à Abu Dhabi. Il s’est aussi assuré que ces endroits soient protégés, afin que tout le monde puisse en profiter. Le souverain y a d’ailleurs lancé des projets de reboisement, de préservation des espèces en danger, et de sauvegarde des écosystèmes fragiles dans tout le pays.

SIR BANI YAS ISLAND


Située à 241 km au sud-ouest de la capitale, Sir Bani Yas Island constitue une réserve naturelle de 77 km². Il y a 7 000 ans, elle était encore habitée par la tribu des Bani Yas. Au début des années 70, dans cet environnement désertique, il n'y avait aucune présence d'eau ni de végétation. Grâce à des décennies de conservation et d'investissements économiques, l'île offre aux animaux de la péninsule arabique et d'Afrique un lieu unique. Aujourd'hui, elle compte à peu près 17 000 espèces en liberté dont :
des oryx ;
des gazelles ;
des hyènes ;
des chacals ;
des guépards et des émeus.
En outre, plus de 2,5 millions d'arbres, tels que le gommier, ont été plantés à la main, et chaque visite fait naitre une mangrove !

Ces efforts ont été récompensés avec le prestigieux Panda d’Or, attribué par l’organisme mondial de protection de la nature (WWF) pour ses actions.

Entre traditions séculaires et avancées contemporaines

Le Bédouin, bercé toute sa vie par les traditions ancestrales de son peuple, était également un homme avant-gardiste. La préservation du patrimoine et la promotion de la culture bédouine à l’international étaient pour lui fondamentales.

Outre la Fondation culturelle d’Abu Dhabi, la Grande Mosquée Sheikh Zayed est à l’image même de son fondateur, simplement parce qu’elle incarne ce en quoi il croyait fermement :

  1. Elle est un symbole de paix et de tolérance envers les autres religions ;
  2. Elle est le reflet des valeurs authentiques de l’islam ;
  3. Elle est une référence inestimable en matière d’architecture islamique moderne, mélangeant différents styles et écoles historiques.

L’impact des émirats à l’international

Homme visionnaire, le président a fait en sorte d’accueillir les délégations étrangères avec toute la bienveillance qui caractérise l’hospitalité arabe. Il a également engagé son pays dans de nombreuses actions :

  • Aides humanitaires (Croissant Rouge) à plusieurs pays en développement ;
  • Soutient des causes arabes (en particulier la Palestine) et islamiques ;
  • Œuvré pour la paix dans le golfe persique.

Le 6 décembre 1971, le pays est devenu le 132ᵉ État membre de l’Organisation des Nations unies. Sheikh Zayed a grandement contribué à façonner la réputation de son pays à l’échelle internationale.

Le Sheikh dans l’intimité

Profondément musulman et polygame, il s’est marié 7 fois et aurait eu 19 enfants. Sa principale épouse, la Sheikha Fatima, a œuvré pour la promotion de la littérature féminine et l’intégration des femmes au travail et en politique.

En 1989, le président rachète à Ringo Starr la somptueuse demeure de Tittenhurst Park pour 5 millions de £, auparavant habitée par John Lennon et Yoko Ono.

Réélu cinq fois par un conclave d’émirs, il a gouverné pendant 33 ans, entouré et conseillé par ses plus proches confidents jusqu’à la fin de sa vie.

Le président a rendu son dernier souffle en 2004, à l’âge de 86 ans, après avoir combattu une longue maladie.

Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, humble bédouin aux rêves de grandeur, a réussi l’exploit de fédérer des tribus en guerre, créant ainsi une nouvelle nation. Indéniablement, il a marqué l’histoire de son peuple en lui offrant :

  • Un pays prospère, avec un taux de chômage très bas avoisinant les 3,4 % ;
  • Un modèle de développement économique réussi qui a permis la construction d’infrastructures à la pointe ;
  • Une plateforme commerciale incontournable ;
  • Un centre dédié au tourisme, choisi pour accueillir à Dubaï l’Exposition Universelle de 2020 ;
  • Le pays le plus ouvert d’esprit du golfe persique, avec plus de 200 nationalités se côtoyant quotidiennement.

Son anniversaire, le 6 novembre, est célébré peu avant la fête nationale, tous les 2 décembre. Voilà pourquoi les habitants, les « Émiratis », l’appellent affectueusement « Père de la Nation ».

Article rédigé par Marjorie BARRÉ, pour Oumma Up !

Sources :

Dubaï Madame, le Guide des Émirats

DTCM, Dubaï Tourism Communication & Marketing

Ambassade des Émirats arabes unis

https://www.uae-embassy.org/discover-uae/sheikh-zayed-bin-sultan-al-nahyan

https://www.lesclesdumoyenorient.com/La-fondation-des-Emirats-arabes-unis-1968-1971

https://www.pressreader.com/uae/the-national-news/20190129/281505047443182

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *